Assemblée 2016 – « L’extraordinaire histoire de la réconciliation entre Juifs et Chrétiens » par le Père Bernard Fauvarque sj, Promo 1940

La célébration eucharistique

L’assemblée générale a été précédée par la célébration eucharistique par les Pères Bernard Fauvarque (Promo 1940), Philippe Thiriez (Promo 1943) et Xavier Roquette (Promo 1969). Complété par une contribution de 494 euros de l’association des Anciens de St-Jo, le produit de la quête, de 247 euros, a été reversé à l’association Culturelle Israélite de Lille, très impliquée dans l’action culturelle et sociale depuis sa création en 1900. Sollicités une deuxième fois au cours du buffet suivant l’assemblée générale, les Anciens ont été nombreux à répondre à l’appel de Solange Marot au profit de l’association « Le train vert » dont la mission est d’aider les malades les plus nécessiteux à financer une partie de leur pèlerinage à Lourdes : les 50 sachets de truffes et de nougats proposés à la vente ont tous trouvés acquéreurs.

L’ASSEMBLEE GENERALE

Après les nouvelles des Anciens excusés de ne pouvoir assister à l’Assemblée Générale, Louis-Hubert Marot (66), past président de notre association, a rendu compte des interventions à titre gracieux du webmaster de Saint Paul sur notre site Internet plusieurs fois piraté. Il a rappelé que ce site est à la disposition des Anciens qui souhaiteraient utiliser ce support pour diffuser des informations d’intérêt général. En sa qualité de président de la Foncière Lilloise propriétaire des bâtiments de Saint-Paul, il a également annoncé le rachat du bâtiment occupé par Saint Paul dans la rue Royale à la société foncière « de la Barmondière », gestionnaire des biens de la Congrégation des Dames du Sacré-Cœur.

En l’absence du trésorier Jean-Adrien Saunier (68) retenu par des obligations hors région, il est revenu à Louis-Hubert Marot de faire lecture des comptes de l’association. En relation avec le nombre des cotisants, passé de 440 en 1992 à 195 en 2015, les recettes ont fortement diminué mais elles suffisent néanmoins à couvrir les dépenses de fonctionnement de l’exercice et à abonder le produit de la quête au profit des institutions retenues chaque année.

La dernière partie de l’Assemblée Générale, introduite par un historique de Philippe Camelot, a porté sur l’avenir de notre association au-delà du cinquantième anniversaire de la fusion de Saint-Jo dans l’ensemble Saint-Paul en 1968. En l’absence d’une association des Anciens de Saint Paul avec laquelle nous aurions pu fusionner, plusieurs options ont été examinées, dont la dissolution pure et simple ou la permanence d’une structure légère d’appui aux promotions souhaitant se retrouver, en particulier à l’occasion de jubilées, ou permettant d’avoir accès aux activités de la Fédération Française des Anciens Elèves et Amis des Etablissements Jésuites d’Education (FFAAEJE). En vue d’une décision à prendre lors de l’Assemblée Générale de 2017, un appel à contributions sera lancé. Tous invités à rejoindre le bureau pour participer à cette réflexion et à l’animation, au moins provisoire, de notre association, les Anciens présents ont unanimement approuvé la candidature de Pascal Deren (Promo 1955). Ils l’en remercient très vivement.

La causerie du Père Bernard Fauvarque s.j sur la déclaration « Nostra Aetate » et les relations entre Juifs et Chrétiens

Cette année, les Anciens de Saint-Jo tenaient à donner la parole à l’un des leurs, le Père Bernard Fauvarque s.j (Promo 1940) auteur de l’ouvrage « Le salut vient des Juifs : parole d’Evangile » paru en 2009 aux Editions Bayard Service. S’il s’est défendu de prononcer une conférence, qualifiant plutôt son intervention de « causerie », le Père Fauvarque ne nous en a pas moins entraînés dans de passionnantes et fécondes réflexions sur les relations entre l’Eglise et le Judaïsme.

Issu d’un milieu peu suspect de philosémitisme, ayant grandi dans une région encore marquée par l’antisémitisme du journal « La Croix du Nord » lors de l’affaire Dreyfus, ordonné prêtre en 1955 à l’époque où le clergé invitait encore les fidèles à prier le Vendredi Saint « pro perfidis Judaeis », rien ne destinait le Père Fauvarque à s’intéresser particulièrement au peuple juif et à sa religion, rien si ce n’est la rencontre avec sa cousine Gisèle Clain, profondément bouleversée par la disparition en camp de concentration d’une de ses amies, juive. Dès lors, le Père Bernard Fauvarque n’aura de cesse de comprendre en quoi les positions ambiguës de l’Eglise à l’égard du peuple juif avaient pu servir de prétexte à l’holocauste dans une Allemagne chrétienne et d’appréhender les conséquences théologiques, pastorales et spirituelles du revirement constitué par la déclaration « Nostra Aetate » (en français : « à notre époque ») du Concile Vatican II.

Bien sûr, l’Eglise n’a jamais proféré ouvertement la haine du peuple juif. Au contraire, elle n’a pas manqué de la condamner : en témoignent le Décret du Saint Office de 1928, le projet d’encyclique « Humani Generis Unitas » du Pape Pie XI, inspiré par la supplique de la Carmélite d’origine juive Edith Stein, les positions des intellectuels chrétiens Jacques Maritain et Charles Péguy ou la dénonciation des déportations de juifs par le Cardinal Saliège, le cardinal Gerlier ou le Pasteur Boegner. Alors même que Pie XI avait déclaré en 1937 « Spirituellement, nous sommes des sémites » aucune de ces prises de positions n’avait néanmoins remis en cause la théologie de la substitution, formalisée en 1943 par l’Encyclique « Mystici Corporis Christi » du pape Pie XII: « La mort du Rédempteur a fait succéder le Nouveau Testament à l’Ancienne Alliance abolie ».

Il revint à l’historien juif Jules Isaac, coauteur avec Albert Malet du manuel d’histoire de notre enfance, cruellement éprouvé par la mort en déportation de son épouse, de son fils, de sa fille et de son gendre, d’avoir été à l’initiative d’une conférence internationale qui s’est tenue en juillet-août 1947 à Seelisberg en Suisse en vue d’étudier les causes de l’antisémitisme chrétien ; celui-ci lui était apparu d’autant plus incompréhensible que, caché dans le maquis et lisant les Evangiles, il avait découvert avec stupéfaction que la grande majorité de son peuple était allé écouter Jésus et que quantités de malades lui avaient été amenés. Il fera de ce constat l’un des thèmes de son ouvrage « Jésus et Israël » paru en 1948. De cette conférence sortiront les 10 points, dits de Seelisberg, qui serviront de référence pour les chrétiens et seront utilisés comme charte par différentes associations Judéo-Chrétiennes, dont l’association Judéo-Chrétienne de France, fondée par Jules Isaac en 1948. En juin 1960, à l’approche du Concile Vatican II (1962-1965), Jules Isaac fut reçu par le Pape Jean XXIII. Il le supplia de faire quelque-chose pour changer l’enseignement du mépris des Chrétiens à l’égard des Juifs. La réponse de Jean XXIII, sensibilisé à cette cause pour avoir sauvé de nombreux Juifs lorsqu’il était délégué apostolique du Saint Siège à Istanbul entre 1935 et 1944, a été sans ambiguïté : « Vous y avez droit, plus qu’à de l’espoir ». Jean XXIII confiera alors au cardinal Augustin Bea, Président du Conseil pontifical pour l’unité des Chrétiens, le soin de rédiger, dans le cadre de la préparation de Vatican II, un texte sur les relations judéo-chrétiennes. Elargi aux relations avec les religions non monothéistes et à l’Islam, ce texte deviendra la déclaration « Nostra Aetate » promulguée en octobre 1965 par le Pape Paul VI.

En raison de l’opposition de certains prélats conservateurs soucieux de préserver leurs relations avec le monde arabe, la déclaration « Nostra Aetate » n’a pas été une déclaration de repentance vis-à-vis du peuple juif mais elle n’en a pas moins constitué une extraordinaire avancée sur trois points essentiels : un appel solennel à la mémoire, la continuité entre les peuples juifs et chrétiens, la fin du concept de Juifs perfides et, partant, de la théologie de la substitution. Pour les Juifs, affirme le Père Fauvarque qui les connaît bien, le concept de mémoire est extrêmement important. Celui de continuité et la reconnaissance du fait que l’Eglise ait reçu la révélation de l’Ancien Testament par le peuple Juif le sont tout autant. Ils ont été salués par le Rabbin Haïm Korsia comme une façon pour les Chrétiens de revivre le lien permanent avec le Judaïsme. Ainsi l’Eglise reconnaît-elle que les Juifs restent chers à Dieu dont l’appel et les dons sont sans repentance. Enfin, de « perfides » qu’ils étaient, les Juifs deviennent nos frères aînés, ainsi que le Pape Jean-Paul II l’a souvent rappelé.

Le Père Fauvarque a ensuite attiré notre attention sur les conséquences théologiques, pastorales et spirituelles de la déclaration « Nostra Aetate ». Les questions théologiques qu’elle soulève découlent du rapport entre l’Ancienne et la nouvelle Alliance, en particulier de l’affirmation que Dieu, fidèle à lui-même et à Israël, n’ait jamais révoqué l’Alliance avec le peuple juif. Ainsi le Christ ressuscité se réfère-t-il à l’ancien Testament lorsqu’à Emmaüs, devant ses disciples incrédules, il déclare « O hommes sans intelligence, dont le cœur est lent à croire tout ce qu’ont dit les prophètes ! » (Luc 24 : 25). et « Commençant par Moïse et tous les prophètes, il leur interpréta dans toutes les Ecritures ce qui le concernait » (Luc 24.27). La conséquence pastorale est que, compte tenu de nos racines juives, nous sommes tous concernés : nous sommes juifs par Jésus Christ et lorsque nous communions, c’est d’un sang juif que nous communions. Aussi le Concile recommande-t-il, outre la connaissance de l’Histoire, la connaissance et l’estime mutuelle entre Chrétiens et Juifs, quand bien même, pour des raisons d’opportunité, le terme de gratitude pour les souffrances et les martyrs du peuple juif ait été rejeté par les représentants de l’Eglise d’Orient. La conséquence spirituelle porte essentiellement sur l’enracinement juif de la prière, s’agissant en particulier de la sanctification du nom (« Que votre nom soit sanctifié ») ou de l’action de grâce (« Béni soit tu, Seigneur »), le juif, c’est bien connu, bénissant et rendant grâce à Dieu en permanence. Enracinée dans la mémoire, notamment de ce que Dieu a fait, la prière chrétienne rejoint un concept cher au peuple Juif, pour qui celui qui n’a pas de mémoire est considéré comme un homme mort. Enfin, dans le « Notre Père » la solidarité et la fraternité que cette prière implique sont également des caractéristiques de la prière juive, toujours collective, jamais individuelle.

Pour conclure, et bien au-delà de ces quelques observations cultuelles et culturelles, c’est un magnifique message d’ouverture que, sur la base de « Nostra Aetate », le Père Bernard Fauvarque a délivré en cette Assemblée générale de 2017. Qui s’en étonnerait, connaissant la capacité d’empathie si caractéristique de nos éducateurs jésuites ?

PS : Ceux qui désireraient des informations complémentaires, notamment sur le groupe de l’Amitié judéo-chrétienne de Lille, peuvent s’adresser au Père Bernard Fauvarque (73 rue des Stations à Lille, tel O3 20 13 26 85 ou courriel bfauvarque@free.fr.

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