Assemblée 2015 – « Renaissance du Lille ancien – Le combat d’un Ancien de St Jo »

Conférence de Jean-Yves Méreau (Promo 1966), journaliste et Président de l’association « Renaissance du Lille ancien »

A l’occasion de leur assemblée générale de 2015, les Anciens de Saint-Jo se sont intéressés à l’action de l’un des leurs, Jean- Yves Méreau, en faveur de la préservation du patrimoine lillois et des valeurs dont il constitue l’un des fondements du sentiment régional. Après avoir effectué une partie de ses études au collège de la rue Négrier et à St-Jo qui lui vaudra d’être rattaché à la promo 1966, Jean-Yves Méreau s’est engagé dès l’âge de 20 ans dans la vie active, menant de front études et boulots les plus divers jusqu’à son entrée comme journaliste à la Voix du Nord en 1976. La vente du journal à une société belge, derrière laquelle se trouvait la main de Robert Hersant, l’amènera à le quitter en l’an 2000, invoquant la clause de cession qui s’apparente à la clause de conscience. Devenu journaliste indépendant spécialisé en architecture, urbanisme et patrimoine, Jean-Yves Méreau n’en demeurera pas moins un membre très actif du Club de la presse et du Syndicat National des Journalistes. Passionné par l’écriture, Jean-Yves Méreau est aussi l’un des auteurs d’un ouvrage collectif intitulé « Lille : la Treille lumière du Nord ». Il est surtout l’auteur de deux ouvrages parus aux éditions de L’Harmattan : un ouvrage sur l’athéisme édité en décembre 2013 et, en décembre 2015, un livre intitulé « Le Nord dans l’âme » dont, en avant-première, nous avons pu être informés des principales idées développées par l’auteur.

Sensibilisé à la préservation du patrimoine par son père Jacques Méreau, Jean-Yves prendra sa succession à la tête de l’association des Amis du Fort d’Ambleteuse et s’attachera, dans un deuxième temps, à plaider la cause de la préservation de l’estuaire de la Slack menacé d’ensablement. Dès 1970, il a rejoint l’association Renaissance du Lille Ancien fondée en 1964 par Mme Madame Six-Thiriez et en deviendra le président en 2014, à la suite de Didier Joseph-François. Créée après le traumatisme de la démolition du quartier Saint-Sauveur, l’association Renaissance du Lille Ancien a défendu de nombreuses autres causes dont la plus médiatisée a été le recours, en Conseil d’Etat, contre le projet d’extension du stade Grimonprez, et la plus longue l’opposition à la percée de la Treille, une artère à quatre voies qui devait mutiler tout le Vieux-Lille. Jean-Yves Méreau souligne que l’association Renaissance du Lille Ancien ne se cantonne pas dans un rôle d’opposant et que son ambition est également de promouvoir des projets (remise en eau du canal de l’avenue du Peuple-Belge, par exemple) destinés à rendre à la ville le caractère authentique qu’elle a perdu du fait de travaux d’urbanisme inconsidérés. Par ailleurs, Renaissance du Lille Ancien entend contribuer activement à la qualité de la restauration du « petit patrimoine » (noms des rues, huisseries, niches et autres éléments de façade…). A cet effet, une fondation « abritée » par la fondation de Lille (Première fondation territoriale en France) a été créée afin de collecter les fonds en vue d’un soutien financier aux propriétaires peu fortunés ou d’une contribution à des restaurations plus complexes. Entre autres projets, Jean-Yves Méreau a cité la construction d’un volume autour du vestige du Moulin de Saint Pierre jouxtant autrefois l’Hospice Comtesse.

Selon Jean-Yves Méreau, la concertation avec les élus locaux, le pragmatisme et une gestion réaliste des projets sont des conditions essentielles du succès des entreprises de Renaissance du Lille Ancien. C’est donc dans une optique d’action plus que de combat et sans passion malsaine que Renaissance du Lille Ancien participe, aux côtés de l’architecte des Bâtiments de France, aux travaux de la Commission du secteur sauvegardé. Par ailleurs, le réalisme impose de tenir compte des contraintes financières des collectivités territoriales et de préconiser des solutions économiques sans que, pour autant, la qualité des restaurations en soit affectée, les esprits chagrins dussent-ils déplorer l’usage de parpaings pour la préservation de la Citadelle de Vauban…

En cours et en fin de conférence, Jean-Yves Méreau a répondu à de très nombreuses questions des Anciens. S’agissant du bâtiment du palais de justice, propriété du Département, il s’est réjoui de ce que, en raison de la richesse de son architecture intérieure, il ne soit plus question de le démolir, quand bien même le tribunal d’instance et le tribunal de grande instance devraient être déplacés sur d’autres sites. En tout état de cause, c’est au Département, propriétaire des lieux, que reviendra la décision. Une autre préoccupation exprimée par les Anciens est le mauvais état des vieilles églises de Lille (Saint Etienne, Saint André, Sainte-Catherine, Sainte Marie-Madeleine) que l’état des finances communales ne permet pas d’entretenir convenablement. Des questions ont été également posées sur l’affectation de la partie non occupée par l’IAE de l’ancien hospice général ainsi que sur celle du Palais Rameau dont la ville a eu un moment l’intention de se débarrasser. Jean-Yves Méreau est d’avis que transformer le Palais Rameau en serre froide serait un moyen relativement économique de respecter la volonté de son donateur, le botaniste Charles Rameau, que ce bâtiment, œuvre des architectes lillois Auguste Mourcou et Henri Contamine, soit exclusivement dédié à l’horticulture, l’une des conditions imprescriptibles de son legs à la commune.

De la préservation du patrimoine au régionalisme, il n’y avait qu’un pas que Jean-Yves Méreau a allègrement franchi en regrettant la faiblesse du sentiment régional chez les habitants du Nord-Pas de Calais, à la différence des Bretons dont il connaît bien le fort sentiment d’appartenance à leur région et la vigueur du régionalisme de gauche. Sans remonter à la bataille de Bouvines en 1214 où la victoire de Louis Philippe sur la coalition des princes et seigneurs flamands lui apparaît comme une défaite de notre territoire, il en situe l’origine dans la conquête de Lille (à l’époque partie du comté de Flandre sous domination espagnole) en 1667 par Louis XIV et à 150 ans d’industrialisation au service du pouvoir national. L’esprit de beffroi et les rivalités entretenues par les compagnies dans le bassin minier n’ont pas facilité non plus l’émergence d’un sentiment régional. Or, une communauté historique et la proximité géographique avec la Belgique et les Pays-Bas, ainsi que des éléments linguistiques communs qui se retrouvent dans les noms de villes et de quartiers justifieraient que, comme le géographe Jean-Louis Hardelin dans son livre paru en 2014, on se pose la question « Les Chtimis sont-ils des Belges ? ». En outre, comme le constate Bruno Bonduelle (un autre Ancien célèbre) dans ses efforts de promotion du sentiment régional, Lille est bien le centre de gravité géographique d’un bassin de consommation et de production de 300 Km de rayon incluant les métropoles de Paris, Bruxelles, Londres et Amsterdam. Pour Jean-Yves Méreau, face au risque de dilution du sentiment régional dans la grande région « Hauts de France » et au tropisme francilien de la Picardie (avec laquelle il existe pourtant des parentés linguistiques), la solution, éminemment politique, est à rechercher dans un resserrement des liens avec nos voisins belges, dans le cadre d’une Europe des régions que Jean-Yves Méreau appelle de ses vœux. Comme quoi la préservation des vieilles pierres et du patrimoine, loin de constituer un repli sur notre passé et sur nous-mêmes, peut être aussi porteuse d’un message d’union !

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